L’ultime SIMCA, qui était aussi une Chrysler, était une voiture bien née, qui n’a pas connu le succès auquel elle était pourtant promise.
La SIMCA-ROOTES
Cela fait bien longtemps qu’on ne croise plus d’Horizon sur les routes, ni de SIMCA. C’était pourtant une grande marque bien française, lancée par un génie du commerce, avec beaucoup d’intelligence et peu de moyens. Ses deux produits-phares, la 1000 en entrée de gamme et la 1100, ont été d’immenses succès des années 60. La marque y a gagné une image sympathique, populaire et bon marché.
Dans les années 70, la 1100 (ici dans sa version Spécial, la plus dynamique) a démocratisé le hayon en milieu de gamme
En 1963 Chrysler a acquis SIMCA et les ruines du groupe anglais ROOTES, mais il n’a pas spécialement investi dans les deux marques. Il s’est contenté de les gérer comme toutes celles qu’il possédait un peu partout dans le monde à la même époque : dans une logique de volume et sans sans stratégie globale cohérente. En 1975, l’alliance SIMCA / ROOTES a pourtant produit un nouveau hit : la 1307 / 1308, une routière particulièrement réussie, grâce à son ingénierie française et au design anglais dû à Roy Axe. Et lorsqu’il s’est agi de remplacer la 1100 par l’Horizon, la même équipe a été reconduite avec succès : les deux modèles seront auréolés du titre de voiture européenne de l’année, preuve que le cocktail était au goût des très exigeants experts de la presse auto !
Un design… pas si anglais
Pour l’Horizon, il s’agissait de remplacer la 1100, qui avait imposé la silhouette deux volumes avec hayon en milieu de gamme. Après quelques tâtonnement, un dessin à la fois simple et soigné a été proposé par Roy Axe, un de mes designers préférés pour son grand sens de l’élégance quel que soit le niveau de gamme. L’Horizon aurait pu paraître un peu banale, voire mièvre, mais sa personnalité a été paradoxalement renforcée par des passages de roues hypertrophiés (exigés par Chrysler, pour permettre le chaînage), un peu comme ce qu’on fait aujourd’hui. Ils donnaient une meilleure « assise » à une voiture dont la silhouette, comme celle de la Golf (pourtant beaucoup plus menue), jouait sur la « solidité perçue », avec notamment une custode épaisse, mais aussi des solides proportions et un hayon avec une vitre fortement encastrée, suggérant une généreuse épaisseur. Cette « solidité perçue » alliée à la robustesse très Chrysler, aurait pu faire de l’Horizon une très crédible alternative française à la Golf.

Horizon Automatic, avec les jantes Amil en option © Petites Observations Automobiles
Mais à l’époque, les voitures françaises, contrairement aux américaines plus fortement motorisées, étaient livrées avec de petites roues qui ne remplissaient pas leurs passages, ce qui pouvait paraître ridicule. Heureusement, les voies avant et arrière étaient particulièrement larges par rapport à la caisse et le haut-de-gamme de l’Horizon a été équipé de grosses roues, avec de très belles jantes en alliage, qui donnaient une silhouette sportive à la voiture.
Une solide base technique
Pour la technique, l’Horizon a puisé dans les organes existants : les moteurs et la suspension avant proviennent de la 1100, la boîte de vitesse et le train arrière des 1307 /1308. Toute la technique de l’Horizon était à la page, sauf ses moteurs qui avaient un peu fait leur temps et se signalaient par un fonctionnement rugueux et bruyant. Il a fallu attendre quatre ans et l’arrivée du 1600 pour avoir quelque chose de correct en essence sous le capot. Heureusement, dès 1979 l’Horizon est équipée de l’excellent 1,9L diesel PSA, mais il faisait un boucan épouvantable sous son capot.
L’Horizon a également bénéficié des exigences américaines concernant la sécurité passive : avant et arrière à déformation programmée et cellule centrale rigidifiée, notamment par un pare-brise collé, ce qui était encore très rare à l’époque à ce niveau de gamme.
La véritable Chrysler Horizon

Une Horizon surmotorisée et suréquipée, commercialisée en par Plymouth. La version française Ultra s’inspirera de cette peinture bicolore.
L’Horizon avait des clones américaines, des fausses jumelles qui lui ressemblaient comme des sœurs mais n’étaient pas issues du même monde. Plymouth Horizon et Dodge Omni ont été conçues pour répondre à la nouvelle réglementation américaine sur la consommation d’essence et doter Chrysler de la première gamme de « subcompactes » à même de lutter contre les japonaises. Comme la R14 sa contemporaine, l’Horizon a été modélisée informatiquement en 3D, mais cette opération (bien plus réussie que chez Renault) a uniquement servi à obtenir la même carrosserie avec des emboutis identiques des deux côtés de l’Atlantique ! Tout le reste est différent, notamment l’essentiel : le châssis et les moteurs, des dessous beaucoup plus riches et moderne.

Le tableau de bord de la Dodge Omni, identique à celui de la Plymouth Horizon, comme leurs carrosseries
Il est d’ailleurs dommage que le tableau de bord de l’Horizon américaine n’ait pas été réimplanté sur le modèle français, pour remplacer celui qui existait, vraiment dépouillé à l’extrême dans sa partie basse. En effet, à cette époque la finition intérieure des américaines donnait des leçons de luxe et de qualité à toute la production mondiale.

Une Plymouth Horizon coupé TC3, légèrement différente de son équivalent chez Dodge : un aspirateur à blondes pour macho américain…
L’Horizon aura même une cousine américaine, issue de germaine, en la personne d’un coupé sportif, qui ne partageait plus grand chose avec notre berline moyenne française, si ce n’est la partie supérieure du tableau de bord et quelques autre bricoles…
En route vers l’horizon !
Ce qui impressionnait dans cette voiture c’était l’espace intérieur, comparé à ses concurrentes : une R14 ou une VISA, par exemple, ou pire une Golf qui était très petite. Comme dans les premières Ford Sierra, le tissus à lignes horizontales élargissait visuellement l’espace intérieur. La planche de bord, très proche du pare-brise et très plate, dégageait un vaste espace devant le passager.
On est aussi surpris par l’équipement des versions haut-de-gamme, particulièrement généreux sans être hors-de-prix, comme toujours chez SIMCA. La grande innovation c’était les rétros réglables de l’intérieur, l’ordinateur de bord et le… régulateur de vitesse, un équipement américain qui ne s’est généralisé que 30 ans après !
L’étoile à cinq branches pâlit à l’horizon
L’Horizon est née Chrysler-SIMCA, mais n’aura vécu qu’une seule année sous cette marque. Dès 1979, elle est rebaptisée Talbot, un nom infiniment trop prestigieux pour la voiture, qui déclassait instantanément le produit, comme tout le reste de la gamme d’ailleurs. Alors que la marque SIMCA possédait un immense capital-sympathie populaire et qu’il aurait suffi de la « remettre en selle » pour bénéficier de ses atouts. Chrysler avait beau avoir absorbé SIMCA, n’y ayant pas spécialement investi, la marque continuait à surfer sur son image des années 70. D’ailleurs, on ne disait pas « une Chrysler », mais « une SIMCA-Chrysler ». Et les voitures étaient badgées comme telles : un minuscule logo Chrysler à l’avant et une plaque SIMCA en toutes lettres à l’arrière, bien plus visible au final. Pour couronner le tout, ce changement s’est opéré progressivement jusqu’au milieu de 1980, les badges étant remplacés petit à petit, ce qui a donné lieu à la production de nombreuses Horizon badgées Talbot ET Chrysler sur le même véhicule ! Preuve s’il en est de la résistance au changement.
La campagne de lancement de l’Horizon décerne le titre de voiture de l’année à la SIMCA… Et n’annonce la marque Chrysler qu’à la fin !
Les ventes décroissent dès 1979, soit au bout de la deuxième année d’existence du modèle. Le pire survient en 1982 avec un mouvement de grève d’une violence inattendue, dans une usine où régnait la paix sociale depuis près de 30 ans. Ce mouvement a un retentissement médiatique considérable, qui a un impact catastrophique sur l’image de marque déjà dégradée. C’est l’estocade, Talbot ne s’en relèvera pas.
Qu’y a-t-il au-delà de l’Horizon ?
Malgré tout, plus de 1,70 millions d’Horizon ont été produites en Europe, ce qui est considérable pour une voiture moyenne française, même à l’époque ! C’est la preuve que la qualité du produit, joint à l’opiniâtreté du réseau, a assuré la survie du modèle malgré toute les déconvenues. A comparer avec le million de Renault 14 et 1,3 millions de VISA, des produits pourtant très décriés à l’époque et qui ont été des grands échecs également, pour d’autres raisons. Aux States, les ventes ont été un peu inférieures pour les variantes Dodge et Plymouth : là c’est plutôt décevant pour un si grand pays.
En ce qui concerne le produit lui-même, il est infiniment dommage que PSA n’ait pas su le faire fructifier en le faisant évoluer, alors que le groupe ne possédait pas de berline moyenne convenable au sein de sa gamme, en dehors de la 305 (trois volumes, donc marginale pour l’Europe du Nord). Seule la greffe du diésel Peugeot relancera les ventes.

Dodge Shadow, dans sa version 4 portes : une élégante américaine aux finitions raffinées, à comparer avec la maladroite 309.
L’Horizon sera remplacée chez PSA par l’excellente 309, qui aurait pu s’appeler Talbot Arizona et dont on ne sait toujours pas pour quelle marque elle avait été conçue à l’origine. Mais un indice se trouve dans l’industrialisation de la 309, confiée aux équipes de Talbot et qui ne ressemble pas au niveau d’exigence habituel de Peugeot. Un autre indice se trouve chez Chrysler, sur les remplaçantes des Horizon et Omni : les élégantes Dodge Shadow et Plymouth Sundance présentent toutes les deux une étrange similitude avec la l’Arizona.

Prototype Talbot Arizona, reconnaissable à son arrière différent de la 309. On remarquera la troublante similitude des lignes générales, du pli de tôle juste au-dessus des pare-chocs, de la ceinture de caisse et des feux arrières… Lequel a copié sur l’autre ?
Un dernière indice se trouve dans la carrière du designer de l’Horizon : à la suite de la vente de SIMCA-ROOTES à PSA, Roy Axe fera un bref passage aux chez Chrysler aux States ; ceci explique peut-être cela… Par la suite il fera les beaux jours d’Austin-Rover jusqu’à la fin de sa carrière, mais ceci est une autre histoire que je vous raconterai dans des prochains articles !