Designer : Tom Gale
Au salon de l’auto de Detroit en 1991, Dodge, la marque la plus créative du groupe Chrysler, présente un drôle de prototype de « petite auto », au sens américain, c’est à dire une voiture moyenne en Europe. La Neon est très réaliste et en même temps très en avance par rapport à la conception américaine de l’automobile, plutôt statutaire. Son moteur tricylindre 1100 cm3 100ch, anticipe ce qui sera la norme européenne 20 ans plus tard, mais avec une combustion à deux temps. Ses panneaux de carrosserie recyclables et… sa poubelle-compacteur (!) seraient aujourd’hui parfaitement dans l’air du temps. Présentée comme une voiture de loisir, ici sur une plage (qu’on imagine californienne, avec surfeurs et sylphides américaines…), elle propose un toit ouvrant coulissant en toile, une lunette arrière escamotable, ce qui en fait un véritable « landaulet » et une accessibilité originale, grâce a des portières et un coffre coulissants.
Mais le marché américain préfère se vautrer dans des « caisse à bière », plutôt que d’être en avance sur son temps, comme quand l’Amérique fascinait tant l’occident. Detroit finira ruinée et abandonnée, tandis que du concept sortira… une voiture ordinaire, mais très européenne dans sa définition : la Chrysler Neon. A tel point qu’elle sera importée un temps en France. Mais en 1999, dans sa seconde version, le design progressera nettement, en exploitant habilement le cab forward design, qui a fait la spécificité de Chrysler pendant la décennie 90 / 2000.
En avançant la baie de pare-brise au-dessus du train avant et en reculant la lunette arrière au détriment du couvercle de malle, tout en abaissant les assises, on obtient un maximum d’espace intérieur avec une longueur contenue et une surface frontale minimale, gage d’une grande efficacité aérodynamique, donc d’une moindre consommation de carburant. Ici, sur seulement 4,30m, on obtient une petite auto très habitable et même assez trapue, rebondie de partout, mais toujours une certaine élégance dans les proportions.
Plusieurs détails sont très soignés : sa très belle ligne de pavillon en arche, parfaitement raccordée au capot et à la malle. Ses gros yeux et ses gros feux arrières qui lui donnent un petit côté « jouet ». Evidemment, ça ne cadre pas du tout avec l’idée que les américains se font d’une auto, et pourtant ce fut un succès commercial aux States! Et pour les yeux les plus aiguisés, on remarque le soin apporté à la conception de l’assemblage, même comparé aux aux productions européennes actuelles, avec une limitation des accotements de panneaux de carrosserie. En particulier, l’utilisation de portières « autoclaves », qui simplifie le traitement du bas du pied avant. A l’arrière l’étonnant découpage de la custode montre un travail de design vraiment approfondi.
Evidemment tout cela n’est plus possible aujourd’hui: les normes de crash-test, fatales à ce modèle, obligent à renforcer considérablement le pied avant, qui devient généralement un gros obstacle à la visibilité de 3/4 avant. Du coup, il devient impossible d’utiliser ce type de portières (par ailleurs très difficile à mettre au point pour être bien étanche) dont l’entourage de vitre enveloppe complètement le pied avant sur sa face externe.
Désormais, la Dodge Neon est une… Fiat Tipo rebadgée. Plus pour longtemps, puisque Fiat vient d’être racheté par PSA, avec les marques européennes du groupe Chrysler.